Mesurer les premiers instants du plasma de quarks et de gluons  
Une collaboration entre l'IRFU/DPhN et l'IPhT propose de détecter pour la première fois l'anisotropie des vitesses avant l'équilibre du plasma de quarks et de gluons.

img Légende : À gauche, annihilation d'une paire quark-antiquark provenant des noyaux incidents. Dans ce processus, dit de Drell-Yan, le quark et l'antiquark vont dans la direction de la collision. À droite, production d'une paire de leptons dans le plasma de quarks et de gluons avant que l'équilibre thermique soit atteint. Les vitesses du quark et de l'antiquark sont en moyenne perpendiculaires à l'axe de la collision. La masse invariante de la paire de leptons permet de distinguer ces deux processus, celui de droite devenant prédominant au-dessous de 4 ou 5 GeV.

L'accélérateur LHC du CERN permet de réaliser des collisions entre des noyaux atomiques de plomb, à des énergies sans précédent. Chaque collision crée un état nommé plasma de quarks et de gluons, dont on sait depuis plusieurs années qu'il atteint rapidement un équilibre thermique local. A l'équilibre, les vitesses des quarks et des gluons sont distribuées de manière isotrope. L'émergence d'une distribution isotrope a été une des grandes surprises du domaine, qui a suscité de nombreux travaux théoriques au cours de la dernière décennie. Le consensus théorique est qu'avant que l'équilibre soit atteint, les vitesses transversales sont en moyenne plus grandes que les vitesses longitudinales (figure de droite), en raison de l'expansion longitudinale rapide. Mais aucune  mesure expérimentale n'a encore permis de le vérifier.

Cet article [1], écrit en collaboration entre l'IRFU/DPhN et l'IPhT, propose de détecter pour la première fois cette anisotropie de pré-équilibre en mesurant les paires lepton-antilepton (électron-positon ou muon-antimuon), résultant de l'annihilation d'une paire quark-antiquark. L'idée essentielle est que les leptons sont émis préférentiellement dans la même direction que les quarks. Par ailleurs, les leptons, une fois produits, partent en ligne droite vers les détecteurs. Si la distribution de vitesse est anisotrope pour les quarks et les antiquarks, il en sera de même pour les leptons produits, qui deviennent ainsi des témoins privilégiés des premiers instants du plasma de quarks et de gluons. Les perfectionnements des détecteurs (LHCb et ALICE en particulier) pourraient permettre de réaliser cette mesure à l'horizon 2030, en éliminant le bruit de fond de leptons provenant des désintégrations faibles de quarks c et b.

[1] Dilepton Polarization as a Signature of Plasma Anisotropy. Maurice Coquet, Michael Winn, Xiaojian Du, Jean-Yves Ollitrault, and Sören Schlichting. Phys. Rev. Lett. 132, 232301.

Dépêches : CEA/DRF, CNRS/INP

 

R. Guida, dépêche du 05/06/2024

 

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