Une équipe de recherche internationale, comprenant Antoine Bourget (IPhT, CEA Saclay), Marcus Sperling (Université de Vienne) et Zhenghao Zhong (Université d'Oxford), a suscité l'intérêt de la communauté scientifique avec des résultats novateurs en théorie quantique des champs (TQC). Leur étude réinterprète et généralise le mécanisme de Higgs, responsable de la masse des particules élémentaires et des transitions de phase, en utilisant le concept des carquois magnétiques. Le travail est publié dans la prestigieuse revue scientifique Physical Review Letters [1].
Un carquois est un graphe constitué de nœuds et de flèches les connectant. Les flèches représentent les champs quantiques, tandis que les nœuds symbolisent les interactions (fortes, faibles ou électromagnétiques) entre les champs. Cette reformulation permet d’analyser les propriétés des TQC en utilisant le formalisme de la théorie des cordes et des branes.
Dans cette étude, les états fondamentaux stables (vides quantiques, c'est-à-dire les configurations d'énergie minimale) dans une famille de TQC supersymétriques ont été explorés. Ces théories servent de laboratoire, ressemblant à des systèmes physiques réels mais facilitant les calculs mathématiques. Le concept de carquois magnétique permet une description géométrique précise des vides quantiques, en termes d'objets mathématiques appelés « singularités symplectiques« . Les auteurs ont démontré qu'un carquois magnétique peut se désintégrer en un état plus stable ou se fissionner en deux carquois distincts, offrant une nouvelle compréhension du mécanisme de Higgs, et mettant en évidence des incarnations nouvelles de ce mécanisme.
Mathématiquement, l'algorithme de « désintégration et fission » est basé sur des principes algébriques et une définition claire de la stabilité. Il fonctionne de manière autonome, et permet ainsi de prédire de nouveaux types de transitions de phase. Ces résultats, pertinents en physique et en mathématiques, offrent une description fondamentale et universelle des structures complexes des vides quantiques. En outre, des applications en géométrie algébrique, pour la classification des singularités symplectiques, ont déjà été obtenues, et des travaux sont en cours avec une équipe de mathématiciens pour explorer davantage cette méthode, illustrant ainsi l'interaction naturelle et féconde entre la physique fondamentale et les mathématiques.
[1] Antoine Bourget et al., Decay and Fission of Magnetic Quivers, Physical Review Letters (2024). DOI: 10.1103/PhysRevLett.132.221603
Dépêche grand-public : phys.org/news/2024-06-reinterpreting-higgs-mechanism-decay-fission.html