Figure : quantité de mouvement par particule en fonction du nombre de particules observées dans une collision entre deux noyaux d'atomes de plomb au collisionneur LHC. Les deux quantités sont normalisées par leur valeur dans les 5% des collisions les plus centrales. L'augmentation prédite par les chercheurs de l'IPhT (Gardim et al.) dans les collisions ultracentrales (vers la droite) est vérifiée par la collaboration CMS du CERN (points rouges). Le carré de la vitesse du son, cs2, est la pente relative de la partie droite de la courbe. Crédits : CERN/CMS. CC-BY-4.0.
Des collisions entre noyaux d'atomes de plomb sont effectuées au Grand Collisionneur de Hadrons (LHC, en anglais) du CERN afin d'étudier le plasma de quarks et de gluons, un état de la matière dans lequel les neutrons et les protons sont dissociés en termes de leurs constituants élémentaires, les quarks et les gluons. La température de ce plasma au LHC a été mesurée à (2540+-90) milliards de degrés [1], [3]. Une autre propriété thermodynamique importante est la compressibilité, qui est reliée à la vitesse du son par des identités thermodynamiques standard.
En 2019, Fernando Gardim (physicien brésilien en congé sabbatique à l'IPhT), Giuliano Giacalone (doctorant à l'IPhT) et Jean-Yves Ollitrault (IPhT) ont proposé d'extraire la vitesse du son des données du LHC en analysant les collisions « ultracentrales », définies comme des collisions à paramètre d'impact nul [2]. Le nombre de particules dans les collisions ultracentrales peut varier de 10 à 15 %, et la variation de la densité correspondante peut être utilisée pour sonder la compressibilité. Ces chercheurs ont prédit que la quantité de mouvement par particule, qui est proportionnelle à la température, devrait augmenter en fonction de la multiplicité, et que le changement relatif fournirait une mesure directe de la vitesse du son.
Cette prédiction [2] a motivé une analyse spécifique par la collaboration CMS au LHC [3]. CMS a récemment observé l'augmentation prévue de la quantité de mouvement par particule et en a extrait une mesure précise de la vitesse du son, (49,1 +- 1,6)% de la vitesse de la lumière, en parfait accord avec les calculs fondamentaux de la théorie des interactions fortes, la QCD.
[1] « Thermodynamics of hot strong-interaction matter from ultrarelativistic nuclear collisions », Fernando G. Gardim, Giuliano Giacalone, Matthew Luzum, and Jean-Yves Ollitrault. Nature Physics Letters 16 (2020) 615-619, https://doi.org/10.1038/s41567-020-0846-4
Voir aussi : https://www.ipht.fr/Phocea/Vie_des_labos/News/index.php?id_news=1032
[2] « Measuring the speed of sound of the quark-gluon plasma in ultracentral nucleus-nucleus collisions », Fernando G. Gardim, Giuliano Giacalone, Jean-Yves Ollitrault https://arxiv.org/abs/1909.11609v1. Physics Letters B 809 (2020) 135749 https://doi.org/10.1016/j.physletb.2020.135749
[3] « Extracting the speed of sound in the strongly interacting matter created in ultrarelativistic lead-lead collisions at the LHC », CMS Collaboration, https://arxiv.org/abs/2401.06896. Submitted to Reports on Progress in Physics.