Avec une mémoire quantique, l’ordinateur quantique « maigrit » d’un facteur mille !  
Des physiciens théoriciens de l'IPhT montrent qu'en dotant un processeur quantique d'une mémoire quantique, il est possible de réduire de trois ordres de grandeur le nombre de bits quantiques nécessaires à la résolution d'un problème emblématique.

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Alors même que les ordinateurs classiques contiennent un processeur et des mémoires, la communauté scientifique imaginait jusqu'à présent l'ordinateur quantique sous la forme d'un processeur dépourvu de mémoire et contenant des bits quantiques (qubits) situés sur un plan. Ce processeur effectue des opérations sur les qubits et corrige les erreurs inévitables générées par la fragilité intrinsèque de leur état. Des chercheurs de l'IPhT se sont demandé ce qu'apporterait une nouvelle architecture associant un processeur quantique et une mémoire quantique. Pour l'évaluer, ils ont choisi l'algorithme de Shor, qui, s'il était mis en œuvre, permettrait de casser des systèmes de cryptage courants tels que le chiffrement RSA. Cet algorithme pensé pour un ordinateur quantique possède en effet un avantage exponentiel en temps de calcul par rapport à un ordinateur actuel. Google a en particulier estimé qu'un processeur de 20 millions de bits quantiques résoudrait en quelques heures ce problème insoluble avec un calculateur classique.

Les physiciens montrent qu'avec l'association processeur-mémoire, ce problème ne requiert plus que 200 000 bits quantiques, soit un gain de deux ordres de grandeur ! En ajoutant des procédures de correction d'erreurs optimisées, le nombre de qubits diminue encore d'un ordre de grandeur et atteint 13 000.

« C'était vraiment une surprise que ce gain soit aussi fort, se souvient Nicolas Sangouard, auteur de l'étude. Des chercheurs travaillant à Google et les hackeurs professionnels se sont tout de suite intéressés à notre résultat. »

Gagner trois ordres de grandeur est en effet très important car une barrière tombe : avec les techniques actuelles, la réalisation de 20 millions de qubits à basse température conduisait à des volumes à refroidir insurmontables. La durée de calcul, en revanche, s'allonge de quelques heures à quelques mois mais la durée de vie des données confidentielles susceptibles d'être divulguées est encore plus longue !

La contrepartie de la réduction de la taille du processeur est en effet une diminution du parallélisme des opérations qui doivent être effectuées davantage les unes à la suite des autres. La puissance du calcul quantique reposant sur la superposition d'états quantiques n'est, quant à elle, aucunement affectée.Cette nouvelle configuration requiert également une mémoire très fidèle puisque les états quantiques des qubits sont transférés de la mémoire au processeur puis du processeur à la mémoire, à chaque fois qu'ils sont requis pour effectuer une opération.

« L'idée de ce travail m'est venue à la suite d'échanges avec Patrice Bertet, chercheur à l'Iramis, explique Nicolas Sangouard. Son équipe sait comment extraire l'état d'un qubit supraconducteur sous forme d'un photon microonde et le conserver intact pendant près de 100 ms. Il faudrait ensuite réussir à procéder à l'opération inverse de manière à transférer les états quantiques sur les qubits d'un processeur et montrer qu'il est possible de manipuler cette information à l'aide d'un grand nombre d'opérations logiques en réalisant un aller-retour mémoire-processeur entre chaque opération. »

Article vulgarisé en anglais sur APS

Plus d'information en ligne sur le site de la DRF:

https://www.cea.fr/drf/Pages/Actualites/ ...

E. De-laborderie, dépêche du 29/09/2021

 

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