La construction d’une théorie globale des processus hors d’équilibre représente un problème ouvert crucial de la physique statistique. Il n’existe en effet aucun cadre général pour décrire les systèmes complexes en évolution temporelle, qui échangent de l’énergie, de la matière, de la charge ou de l’information avec leur environnement. Or de tels flux d’échange existent dans de nombreux systèmes, naturels ou artificiels: la matière vivante ou les réseaux complexes en sont des exemples distingués. L’IPhT joue un rôle majeur dans les recherches liées à ces questions-clés de la physique actuelle. L’étude quantitative de ces problèmes requiert des outils mathématiques sophistiqués (théorie des champs, symétries conformes, modèles intégrables...) dont beaucoup ont été développés au sein du laboratoire. Ainsi des solutions exactes, obtenues pour des systèmes idéalisés loin de l’équilibre, ont permis de construire l’équivalent de potentiels thermodynamiques; la transition vitreuse a été caractérisée par une échelle intrinsèque de longueur; les transitions de phase dans des systèmes désordonnés (verres de spin, colloïdes, polymères) ainsi que leur dynamique sont explorées par des techniques originales de renormalisation. Ces apports théoriques sont appliqués avec succès à des problèmes interdisciplinaires comme l’informatique théorique (algorithmes d’optimisation, codes correcteurs d’erreurs) ou la biologie (modèles d’évolution, repliement de protéines). L’étude des réseaux et de leur dynamique conduit à des résultats fondamentaux en épidémiologie, afin de mieux contrôler la propagation des maladies infectieuses. Plus généralement, les méthodes de la physique statistique sont bien adaptées à certains problèmes ‘sociétaux’ (description et optimisation des réseaux de transport économiques et humains, analyse mathématique du tissu urbain), ouvrant ainsi des champs nouveaux et prometteurs.
Les polymères constituent une réalisation physique de processus stochastiques tels que les mouvements browniens ou les marches aléatoires auto-évitantes. D’autres types de processus stochastiques contrôlent le fonctionnement des moteurs moléculaires ou le repliement des protéines. Certains aspects universels des membranes (films flexibles, membranes biologiques) sont en relation avec les géométries aléatoires étudiées en théorie des cordes et en gravité quantique. Lorsque les objets sont chargés (polyélectrolytes, membranes chargées) ou possèdent des degrés de liberté internes, leurs propriétés physiques et géométriques sont profondément modifiées : de nouvelles phases apparaissent. La physique des polymères aléatoires régit les interactions complexes entre monomères chimiquement différents dans les polymères biologiques. On peut ainsi étudier la dénaturation de l’ADN ou le repliement des protéines et de l’ARN. Pour ce dernier, la classification des formes possibles peut se faire à l’aide d’outils de la topologie (genre, caractéristique d’Euler) et cela conduit à l’élaboration d’algorithmes puissants de prédiction de structure. Par ailleurs, la plupart des biopolymères portent des charges, et l’interaction coulombienne détermine leurs propriétés universelles d’association et de solvatation dans la cellule.